
Conservation des ovocytes pour raison non médicale : le débat
Introduction
Conservation des ovocytes pour raisons personnelles : le débat
La demande
Origine et data de la demande
Débat médico-social
Vaut-il mieux prévenir que guérir ?
Débat féministe
Libération ou contrôle du corps des femmes ?
Autres arguments
De la perturbation temporelle à l‘encouragement du don d‘ovocytes
La demande : origine et data
D’où vient la demande ? Une histoire de femmes et de fenêtres
La période temporelle au cours de laquelle se chevauchent la fertilité biologique et la fertilité « sociale » (la période où l’on se sent prête) est de plus en plus courte.
Un nombre croissant de femmes demandent la possibilité d’auto-conserver leurs ovocytes car la « fenêtre idéale » durant laquelle elles peuvent ET souhaitent tomber enceinte est devenue ces dernières décennies un étroit vasistas.
La demande vient de femmes comme vous et moi.



Période de fertilité biologique optimale
La période de fertilité optimale d’une femme dure quelques années, environ entre nos 18 ans et nos 35 ans. A partir de 35 ans, notre fertilité baisse, et cela de plus en plus fortement avec les années. Il est donc de plus en plus difficile de tomber enceinte après 35 ans. C’est le phénomène de la fameuse horloge biologique (voir l‘article L'horloge biologique).
Ce qui explique la chute de notre fertilité à partir de 35 ans n’est pas l’âge de notre corps de femme dans l’ensemble, mais l’âge de nos ovocytes seuls. A partir de 35 ans, leur quantité chute et leur qualité se détériore. Notre utérus, lui, reste en bon état de marche pour quelques années encore (jusqu’à environ 50 ans), de même que le reste de notre corps.
Fertilité "sociale"
Aux siècles derniers en France, les femmes se mariaient souvent très jeunes, étaient enceintes dans la foulée, et avaient pour rôle principal au sein de la famille et de la société d’être mère et de s'occuper des enfants (Sans marmot, vous étiez considérée un peu sorcière...). Les humains vivaient aussi moins longtemps (Bye bye les désagréments de la ménopause, même pas le temps de s'en préoccuper).
Bref, l’horloge biologique n’avait pas le temps de sonner, ce concept n’existait tout simplement pas.
Aujourd’hui, de nombreuses femmes font des études longues, voyagent, travaillent. Elles attendent d’être diplômées, d’avoir un emploi stable, de s’engager dans leur carrière, ou de devenir indépendantes financièrement avant de devenir mères.
Elles ont par ailleurs plusieurs relations amoureuses avant de se fixer avec un ou une partenaire avec qui avoir des enfants.
Notre rôle dans la société et dans la famille n’est plus exclusivement celui d’être mère, mais un rôle que l’on choisit - ou du moins qu’on tente au maximum de choisir - quel qu’il soit.
Dieu merci, à force de batailles féministes, le monde a changé (un peu, en partie).

Incohérence des fenêtres biologiques et sociétales
L’âge moyen de la première grossesse en France est aujourd'hui de 31 ans, et grimpe à 34 ans en milieu urbain. La fertilité commençant à chuter dès 35 ans, il y a peu d'années pour concevoir naturellement et facilement.
Encore faut-il se sentir prête au bon moment. Pour beaucoup de femmes, « se sentir prête » passe autant par le sentiment d’avoir le bon partenaire de vie que par avoir une situation matérielle et professionnelle stable.
Le désir d’enfant peut être parfois impérieux et balayer ces considérations, mais il est souvent lié à une reflexion, et les deux considérations, désir et réflexion, sont interdépendantes.
Baisse de la fertilité avec l‘âge

Evolution de l‘âge de la première grossesse

Conserver ses ovocytes, un moyen pour réouvrir la fenêtre
La réponse trouvée par la médecine à cette incohérence entre biologie et société est la conservation des ovocytes. Conserver ses ovocytes donne la possibilité de dissocier l’âge de nos ovocytes (figé à leur date de prélèvement), de celle de leur fécondation (date à laquelle nous souhaitons être enceinte).
La demande d’accès à cette procédure est claire : elle vient de femmes qui ne veulent ni sacrifier leur(s) projet(s) de vie à leur projet de famille, ni sacrifier leur projet de famille à leur(s) autre(s) projet(s) de vie.
Si on met côte à côte notre petite horloge biologique à l'ancienne, et les modes de vie bien plus variés auxquels ont peut aspirer aujourd’hui, on se retrouve face à notre vasistas, et la on se dit qu’on a intérêt à se sentir prête pile poil au bon moment pour l’ouvrir...

C’est donc une sécurité pour une femme qui veut par exemple se dédier à fond à son travail ou a un autre projet, mais aussi pour une femme qui n’a pas encore de partenaire stable, ou ne peut ni ne veut s’engager dans un projet familial tout de suite.
On ne veut pas non plus avoir à devenir des super-women menant tout de front.
En Espagne, 94,2% des femmes qui choisissent de conserver leurs ovocytes le font en raison de leur avancée en âge, pour se prémunir contre de futurs regrets hypothétiques de ne pas avoir eu d’enfants. Pour elles, c’est une solution plus valable que l’adoption par exemple, car il permet de répondre au désir d’avoir un enfant génétiquement sien.
En résumé, les femmes voient donc dans ce procédé une façon logique de retransformer le fameux vasistas en fenêtre d’une durée plus acceptable.
On voudrait comme Jacques Brel et Frieda « Une maison avec des tas de fenêtres. » :)

Aux yeux de la société, cette volonté de quelques unes ne suffit pas cependant à justifier cette pratique.
Data : qui demande quoi ?
Les données disponibles sur l’auto-conservation des ovocytes pour pallier à l’infertilité liée à l’âge sont plus rares que pour les autres procédures d'AMP car la technique est plus récente. Cependant, une série d'enquêtes montrent que la demande a considérablement augmenté en Europe depuis quelques années.
Data française
En France, une enquête d’opinion a été menée sur le sujet par l’institut « YouGovFrance » en mai 2015 auprès de 1092 personnes, dont 599 femmes.
46,3% des femmes interrogées sont favorables à la légalisation de l’auto-conservation des ovocytes pour raison non médicale, 38% sont contre, les autres ne se prononcent pas. 23,8% des femmes le feraient si c’était légal, 54,7% ne le feraient pas, 21,4% ne se prononcent pas.
Data espagnole
Le bon de la demande en Espagne est fulgurant.
En 2010, l'Institut de Valence contre l’Infertilité enregistre 2,9% de demandes d'auto-conservation pour raison non médicale. En 2015, la même clinique compte 24,2% de demandes. Sur les 1468 auto-conservations réalisées en 2015, 42 sont faites par des françaises n'ayant pas le droit de le faire en France.
Dans la clinique Eugyn à Barcelone, la demande d’auto-conservation pour raison non médicale à augmenté de 60% entre 2010 et 2015.
A l'Institut de Valence, la demande provient à 75.6% de célibataires hétérosexuelles, à 23.9% de femmes sans projet de grossesse immédiat, et à 0.4% d’homosexuelles.
A Barcelone, l’âge des femmes effectuant la démarche était de 38-39 ans, dont 92% étaient célibataires, 96% avec un haut niveau de formation, 20% de médecins et 56% étaient Françaises.
Ailleurs en Europe
En Belgique, seulement 3,1% des femmes seraient intéressées par l’autoconservation des ovocytes. Parmi celles qui y ont déjà eu recours, aucune ne regrette son choix, 95.4% seraient prêtes à recommencer et 72.3% le feraient à un plus jeune âge.
En Angleterre, une étude du Royal College of Obstetricians and Gynaecologists a révélé en 2019 que 44 % des femmes de 18 à 24 ans interrogées considéraient l’autoconservation des ovocytes comme un moyen adéquat de préserver leur fertilité. 11 % d'entres elles avaient d'ailleurs déjà fait congeler leurs ovocytes.

On manque de data récentes, indépendantes et plus globales sur ces sujets - la plupart des données qu'on a viennent des cliniques de conservation des ovocytes elles-mêmes, et sont souvent réduites aux données d'une seule clinique...
Ailleurs dans le monde
La demande de conservation pour raison non médicale a augmenté de 180% en un an dans la clinique canadienne "Pacific Center for Reproductive Medicine", entre 2017 et 2018.
Découvrez les arguments du débat en détail dans les 3 articles suivants.
Introduction
Conservation des ovocytes pour raisons personnelles : le débat
La demande
Origine et data de la demande
Débat médico-social
Vaut-il mieux prévenir que guérir ?
Débat féministe
Libération ou contrôle du corps des femmes ?
Autres arguments
De la perturbation temporelle à l‘encouragement du don d‘ovocytes
