
La conservation des ovocytes,
combien ça coûte ?
Prise en charge actuelle et potentielle par l'assurance maladie
Ce qui peut être pris en charge en France
Quand on s’intéresse au coût de la méthode en France, il faut comprendre son remboursement par l’Assurance Maladie dans le cadre législatif actuel.
On parle donc de quoi ? Soit de raisons médicales liées à une infertilité, soit du don d’ovocytes. Dans tout autre cas, la pratique est actuellement interdite.
Pour un don d'ovocytes
Dans le cas du don d’ovocytes, la vitrification est couverte par l’Assurance Maladie. Etant donné que le don implique une procédure lourde, la possibilité de vitrifier certains de ses ovocytes pour usage personnel est considérée comme un avantage gratuit en rétribution.
On peut noter en passant que pour l’Académie de Médecine, certains y voient un manquement éthique : comme la vitrification coûte des milliers d’euros, cette vitrification offerte en récompense remet en cause la gratuité du don.
Pour raisons médicales
Quand il s’agit d’une démarche encadrée par votre médecin pour raisons médicales, petit rappel des deux cas possibles :
- Dans le cadre d’un projet de fécondation in vitro (FIV) où le recueil de spermatozoïdes s’avère impossible à faire au même moment que le prélèvement d’ovocytes.
- En prévision d’une perte de votre fertilité pathologique, dû par exemple à des antécédents de ménopauses précoces dans votre famille, des maladies graves qui impactent le fonctionnement de l’appareil reproducteur, à de l’endométriose, ou à un recours à la chimiothérapie pour traiter un cancer
L’assurance maladie prend donc en charge le processus dans ces cas précis, qui sont justifiés par une raison médicale ou un problème pathologique.
Comment obtenir cette prise en charge ?
Si vous souhaitez vous engager dans un processus d’AMP, après plus de six mois passés à essayer d’avoir un enfant sans succès, il faut vous rapprocher avant toute chose de votre médecin traitant.
S’il est établi que vous devez bénéficier d’un accompagnement pour infertilité, votre médecin pourra alors remplir un protocole de soins. A vous alors de le remettre à la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM).
C’est sur cette base que vous pourrez bénéficier d’une prise en charge financière de 100% pour les examens et les soins pour infertilité.
Ce protocole sera à suivre aussi bien dans le cadre d’une première demande que d’un renouvellement.
En résumé : pour vous assurer de bénéficier d’une prise en charge financière de 100% par l’Assurance maladie, faites une demande de protocole de soins pour infertilité AVANT de commencer les examens et soins, qui coûtent le plus cher.
Si une congélation de vos ovocytes est nécessaire dans le cadre de votre suivi, pas d'inquiétude, les techniques de prélèvement et de congélation seront couvertes. Par contre, les frais annuels de conservation resteront à votre charge, sauf mutuelle particulière.
L'hypothèse de la légalisation de l’auto-conservation en France
Voir l‘article Le débat autour de la conservation des ovocytes.
L’auto-conservation des ovocytes pour prévenir la baisse de la fertilité liée à l'âge n’est pas autorisée à ce jour en France. Mais la pratique pourrait être légalisée ces prochaines années, comme l’a souhaité l’Académie Nationale de Médecine dans un rapport voté en 2017. Elle est d'ailleurs incluse dans le projet de nouvelle loi de bioéthique à l'étude en 2020-2021.
Dans cette hypothèse, plusieurs arguments sont avancés au sujet de son financement. On l’a vu, la pratique semble à première vue onéreuse. Alors comment la financer?
Une option “de confort” devant rester à la charge des utilisatrices ?
Pour certains, le coût devrait revenir à la femme elle-même. Contrairement à la prise en charge pour une pathologie dans un cadre médical, qui bénéficie de la solidarité nationale.
Parmi les arguments, on trouve celui du coût pour l’Assurance Maladie, et donc la société. Surtout quand il s’agirait de proposer “par précaution” une solution non miraculeuse dont elles n’auraient pas forcément besoin, à toutes les femmes jeunes. Puisque très peu d’entre elles y auraient recours, cela mobiliserait des sommes considérables et de gros moyens d’équipes soignantes, ce qui se ferait au détriment d’autres demandes médicales financées par la société.
La solution proposée par l’Académie serait donc de l’autoriser dans des centres publics ou à but non lucratif, avec un financement des femmes demandeuses. Elle remarque pourtant qu’il pourrait s’agir d’une démarche préventive qui aiderait à diminuer le recours tardif (et coûteux) à des FIV à répétition.
Une inégalité d’accès
Dans cette hypothèse d’un financement uniquement personnel, on se heurte à un problème majeur : l’inégalité d’accès au financement. Les femmes qui en font la démarche aujourd'hui sont celles qui ont les moyens de payer la procédure, soit la partie la plus aisée de la population. En d’autres termes, quand une société ne prend pas en charge collectivement la pratique, cela crée une discrimination par l’argent.
Pour autant, ce n’est pas le seul acte médical concerné. C’est par exemple le cas de la chirurgie esthétique, ou de l’implantologie dentaire… On estime qu’il s’agit d’un choix individuel à responsabilité individuelle. Comme beaucoup d’autres, tout acte dit de “confort” peut être considéré comme un luxe et ne pas bénéficier de la solidarité nationale.
Une démarche préventive réduisant le taux d’échec de l’AMP
Contrairement à la chirurgie esthétique, l’Académie ou le Défenseur des Droits estiment qu’il s’agit d’un acte de médecine préventive. L’auto-conservation pourrait aider à réduire le nombre de FIV tardives qui finissent par des échecs, ont un coût élevé et donnent de faux espoirs aux femmes. Cela aiderait aussi à augmenter le nombre d’ovocytes disponibles au don, une solution efficace pour les femmes rencontrant des difficultés à avoir un enfant.
Et nombreuses sont les instances qui partagent cet avis! En voilà quelques-unes :
Le Conseil d’Etat lui-même a justifié la prise en charge financière “par la réduction espérée du nombre de parcours en assistance médicale à la procréation par femme, l’augmentation possible de la ressource en don d’ovocytes et la prévention des inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes”.
Pour la Commission nationale consultative des droits de l’homme, une prise en charge se justifie. Elle suggère l’idée d’un système “qui permettrait de réorienter vers le don des gamètes qui ne seraient pas utilisés avant un âge donné – l’âge limite pour accéder à l’AMP, pourrait accompagner cette réforme.”
Pour l’Académie de médecine, cela va encore plus loin : elle rejette l’idée de convenance et y voit une démarche prévoyante : « l’infertilité liée à l’âge n’est pas une maladie, mais, comme bien d’autres, une pathologie liée au vieillissement. Les femmes qui n’en tiennent pas compte et qui, sur le tard désirent une grossesse, recourent à la FIV, peu efficace avec leurs propres ovocytes, obligeant à puiser dans la réserve insuffisante des ovocytes du don. Cette démarche « négligente » est prise en charge par l’Assurance Maladie. Pourquoi stigmatiser par le terme de « convenance » les femmes dont la lucidité les a conduites à conserver leurs ovocytes quand il était temps. »
Une économie de FIV pour l’Assurance Maladie ?
D’un point de vue mathématique, et de finance publique, on peut tenter de vérifier si l’auto-congélation pourrait représenter une économie de FIV, en leur permettant un plus haut taux d’efficacité.
Petit calcul pour vérifier : Prenons l’exemple d’une femme de 40 ans cherchant à tomber enceinte.
Si elle a congelé 15 ovocytes à 30 ans, cela lui permettrait d’après les études d’avoir 50% de chance d’aboutir à un accouchement en bonne santé.
Si elle n’a pas conservé ses ovocytes plus jeune, et à aujourd’hui recours à une FIV, elle a 10 à 20% de chance d’aboutir à un accouchement en bonne santé. Il faut donc effectuer 3 à 5 cycles de FIV pour qu’elle arrive à ces même 50% de chance d’avoir un enfant en bonne santé.
Le processus coûterait dans un cas 8 000€, incluant l’autocongélation à 30 ans (4 000€) et la FIV à 40 ans (4 000€).
Dans l’autre cas, sans conservation préalable des ovocytes, il coûterait entre 12 000€ et 20 000€, pour arriver au même pourcentage de chance de réussite.
Ce calcul ne prend bien sur pas en compte les proportions (imprévisibles pour le moment) de femmes qui auront potentiellement recours à la conservation de leurs ovocytes mais n’en auront pas l’utilité plus tard, ce qui ajouterait un coût supplémentaire non-compensé par la limitation du nombre de FIV future.



