
Le bilan de fertilité
Il est aujourd’hui impossible de savoir “à l’avance” si une femme est fertile ou non de façon définitive. La seule façon de vérifier sa fertilité pour une femme est… d’avoir un enfant.
En revanche, on peut observer à un moment T ce qui dans notre corps reflète et donne des indications sur l’état de notre fertilité.
La première observation simple est celle des règles : sont-elles plus ou moins régulières ou douloureuses, de quelle couleur sont-elles, quel est leur aspect, etc...
Pour aller plus loin dans l’information, il est aussi possible de savoir à quoi ressemblent nos ovaires, est-ce qu’ils fonctionnent bien, comment est l’intérieur de notre utérus et de nos trompes de fallopes, comment se comportent nos hormones.
Kiffe ton cycle est une ressource très bien faite pour tout savoir sur nos règles et ce qu'elles peuvent nous dire.

En parallèle de ces éléments propres à notre corps et des facteurs génétiques, nos modes de vie et des facteurs environnementaux jouent dans la compréhension de la fertilité de chacune. Y a-t-il eu des problèmes d’infertilité dans la famille ? Est-ce qu’on fume, ou consomme régulièrement de l’alcool ? Notre quotidien nous expose-t-il à des produits chimiques particuliers ?
Tous ces éléments mis en regard et compris ensemble peuvent donner un bon aperçu de l’état de la fertilité d’une femme. En cas d’anomalie dans ce paysage, on peut suspecter une pathologie ou un syndrome éventuellement facteur d’infertilité, actuelle ou future.
Vérifier tout cela, ça s’appelle faire un bilan de fertilité.
Découvrez ci-dessous le débat autour de ce bilan, et ses étapes en détail.
Les explications de la spécialiste
Pr. Nathalie Massin, Responsable du service Fertilité Check-up du Centre Hospitalier Intercommunal de Créteil
Le débat : to test or not to test ?
En France, ce bilan fait débat.
Actuellement, le bilan de fertilité est prescrit en France dans deux cas uniquement :
1. En cas de difficulté à tomber enceinte. La consigne enseignée et affichée parmi les gynécologues est de refuser ce bilan aux patientes qui n’essaient pas de tomber enceinte depuis au moins 1 an.
2. Sur demande de la patiente, si elle présente des symptômes douloureux et importants indiquant un dysfonctionnement de son cycle menstruel. Et encore.
Il y a pourtant une demande grandissante venant des femmes pour accéder plus facilement à un tel bilan, perçu comme une façon de réfléchir de façon plus informée à un futur projet d’enfant, ou tout simplement comme un moyen de mieux connaître et comprendre son corps. Sa facilitation est aussi réclamée par une partie du corps médical qui veut renforcer la prévention de l’infertilité, et critiquent l'approche curative actuelle. Certains pays européens comme la Suisse ont même mené des campagnes de sensibilisation nationale pour que les femmes y aient recours.
En France, cette posture est loin d’être unanime, et une partie du corps médical y reste opposée.
Good luck pour expliquer à votre gynéco que vous voulez faire ce bilan par curiosité ou pour vous aider à mieux prévoir dans le temps vos projets d’enfants.


Chez Choice on adore les débats.
Voir l'article Débat sur la conservation des ovocytes.
Elles en parlent : vécu et ressenti
Podcast réalisé par Lucile Marthe
Agnès parle de son incrédulité face à des règles étranges, et à quoi aurait pu servir un bilan de fertilité fait plus tôt.
Lola s'inquiète de la pression du choix qui pourrait peser sur ses épaules après un bilan de fertilité.
L'épisode complet de Lola est disponible ici, et celui d'Agnès arrive !
Inscrivez-vous à la NL en bas de page pour être tenu.e informé.e de la sortie du podcast.
Voici en bref les termes principaux du débat :
Le bilan de fertilité dit seulement ce qu’il peut dire
Le bilan de fertilité n’indique pas la capacité ou non d’une femme à tomber enceinte dans le futur. Le fait d’avoir un terrain à risque d’infertilité ne prédit JAMAIS une stérilité, de même qu’un terrain parfaitement normal ne garantit pas le fait d’avoir de nombreux enfants ou de les avoir tardivement sans problème par exemple.
>>> La réplique :
Cependant, il permet de dépister certains syndromes qui, non traités, handicapent le quotidien des femmes et leur fertilité future (Voir l'article les Facteurs d'infertilité).
> Il permet notamment de dépister des pathologies "invisibles" dont les symptômes seraient gênants mais trop légers pour être inquiétants. En étant détectés et soignés suffisamment tôt, ils auraient moins d’impact dans la durée sur la patiente qui en souffre. C'est notamment le cas de l'hyperthyroïdie, du syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) ou de l'endométriose.
> Il permet aussi de dépister une réserve ovarienne anormalement basse, et donc un risque d'insufisance ovarienne prématurée (IOP). Ceci à temps pour qu’une femme qui en souffre choisisse soit d’avoir des enfants plus tôt que prévu, soit d’avoir recours à une technique de préservation de ses ovocytes. Découverte trop tard, cette pathologie laisse la patiente sans solution. En occident, environ 10% des femmes ont une ménopause dite précoce, c’est à dire avant 45 ans. Avant 40 ans, elle survient chez seulement 2% des femmes.
Fait trop tôt, un bilan de fertilité peut être angoissant
Par ailleurs, si on découvre une pathologie source d’infertilité lourde, on n'a pas de solution à apporter à la patiente. Alors autant qu’elle n’angoisse pas trop tôt avec quelque chose de peut-être irréversible.
>>> La réplique :
> Ses limites correctement expliquées, il n’y a aucune raison qu’une femme ne comprenne pas les implications d’un tel bilan. D’ailleurs si elle en vient à s’interroger sur sa fertilité au point de demander à réaliser un bilan, ce sera son choix, et elle en assumera les conséquences.
Apprenant trop tôt qu’elle aura peut-être des difficultés à tomber enceinte plus tard, une femme peut angoisser et cela sans raison, puisque ce n’est pas une sentence absolue et définitive. Cf argument précédent.
C’est vrai qu’on est trop cruches ou trop angoissées pour comprendre toute la portée des termes "non définitif"...


Incroyable de devoir écrire ce contre-argument noir sur blanc.
> L’argument du risque de laisser une femme sans solution face à un résultat négatif de ce bilan pouvait être valide par le passé. Mais aujourd’hui des techniques comme la conservation des ovocytes peuvent être sources de solution si on y a recours suffisamment tôt.
> Il y a un juste milieu entre considérer que seules les femmes en couple avec un projet parental immédiat sont légitimes à faire ce bilan, et systématiser ce bilan pour toutes les femmes dès leur plus jeune âge. Ce juste milieu serait que son existence soit davantage connue, et de le rendre accessible pour toutes celles qui en font la demande.
La procédure est invasive
La procédure est invasive si on fait un bilan complet : dosage hormonal, échographie endovaginale et techniques d'exploration de l'utérus telles que l'hystérographie, l'hystéroscopie ou l'hystérosonographie (la technique la plus récente).
>>> La réplique :
> Ce premier bilan n’a pas à être invasif. Un dosage hormonal seul ou couplé à une échographie endovaginale est moins invasif que de faire un bilan complet incluant une exploration poussée de l'utérus. En cas d’anomalie constatée lors du dosage hormonal ou à l'échographie, la patiente peut envisager avec son médecin un bilan plus poussé.
Systématiser un tel bilan coûte cher
S'il est prescrit, le bilan est remboursé par la sécurité sociale. Si les femmes se mettaient à faire des bilans de fertilité à tour de bras juste par curiosité, ça finirait par coûter cher à la collectivité.
>>> La réplique :
> En termes de coût, la comparaison est simple : est-il plus cher de faire de la prévention ou de pratiquer des techniques d'AMP plus tard, pour compenser l’infertilité de celles qui l’auront découverte trop tardivement ?
Le p’tit plus inégalité de genre
Last but not least : un homme peut demander un bilan de son sperme sans justifier d’un symptôme quelconque ou d’une incapacité constatée à se reproduire.
Le magazine Femme actuelle le présente ainsi :
“L’auto-test de fertilité masculine est un dispositif qui se veut avant tout préventif. En effet, si la femme a l’habitude de consulter, le parcours diagnostic de l’homme est plus difficile à entreprendre. « Les hommes ont du mal à venir en laboratoire, c’est une démarche difficile psychologiquement » explique le Dr Celton. Le but est donc de pouvoir effectuer le test en toute intimité et discrétion, mais aussi d’inciter les couples à s’orienter vers des spécialistes rapidement en cas de résultats négatifs.”
A quand le test à domicile pour femme ? Il existe déjà un test dosant les hormones liées à la fertilité des femmes. Il est pour l'instant disponible aux USA, au Canada, en Angleterre et aux Pays-Bas. Comme l’auto-test masculin, ce test est préventif et est prévu pour inciter à consulter en cas d’anomalie, il ne remplace pas un bilan de fertilité plus approfondi par des professionnels de santé (on en dit plus sur ce test à l'article suivant : Le bilan hormonal).
Mieux : un auto-test de fertilité pour homme est disponible en pharmacie... sans ordonnance ! Pour environ 35 euros, il mesure la concentration de spermatozoïdes dans le sperme. Cette disponibilité s’explique entre autre par le fait qu’un tel test est plus simple à faire et moins intrusif que pour une femme.
C'est vrai que pour un mec il suffit de se détendre devant une bonne vidéo (oui, les magazines c'est so 2000) xD. Plus simple qu'une prise de sang.
Faciliter l'accès à un bilan de fertilité pour toutes ?
Depuis octobre, l’hôpital intercommunal de Créteil expérimente un bilan fertilité qui permet aux femmes qui le souhaitent de faire le point.
Au Centre Hospitalier Intercommunal de Créteil (CHIC), depuis 2018, les femmes qui le souhaitent ont la possibilité de réaliser un «check-up fertilité ». Cela sans condition d’âge, d’antécédents ou de projet d’enfant. L’initiative est unique en France (Fertilité Check-up pour en savoir plus et prendre rdv avec le CHIC).
Pr. Nathalie Massin, responsable du Centre d’assistance médicale à la procréation du CHIC, explique qu'à l’issue du bilan, ils.elles peuvent dire à la patiente si elle a "ce qu'on appelle une bonne réserve ou une moins bonne réserve (...) et vérifier qu'il n'y a pas un problème sur l'utérus et s'il n'y a pas d'anomalie telle que l'endométriose. »
Cependant nous sommes loin d'une facilitation de l'accès à un bilan pour toutes : le check up n’est pas pris en charge par la sécurité sociale, et les femmes qui décident de faire ce bilan doivent débourser 350 euros.
Maintenant qu'on sait tout du débat et des forces en présence, rentrons dans le détail des étapes possibles de ce fameux bilan :

Sources
Kuttenn, F. (2019). Autoconservation ovocytaire, thérapeutique, prévention, don, précaution : Quelles indications ? Laennec, Tome 67(3), 18‑33.
https://doi.org/10.3917/lae.193.0018
Steiner A.Z. & Pritchard D. & Stanczyk F. Z. & Kesner J. S. (2017). Association Between Biomarkers of Ovarian Reserve and Infertility Among Older Reproductive Age Women. JAMA, Tome 318(14), 1367–1376.
https://doi.org/10.1001/jama.2017.14588
Oh S.R. & Choe S.Y. & Cho Y.J. (2019). Clinical application of serum anti-Müllerian hormone in women. Clin Exp Reprod Med, Tome 46(2): 50–59.
Haute Autorité de santé, argumentaire sur l’Évaluation du dosage sérique de l’hormone anti-müllérienne, juillet 2017.
https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2017-07/dir152/argumentaire_t560_amh.pdf
E. R. Bertone-Johnson, J. E. Manson, A. C. Purdue-Smithe and all, Anti-Müllerian hormone levels and incidence of early natural menopause in a prospective study, Hum Reprod. 2018 Jun; 33(6): 1175–1182. doi: 10.1093/humrep/dey077.
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6366539/
Broekmans FJ, Soules MR, Fauser BC. Ovarian aging: mechanisms and clinical consequences. Endocr Rev 2009;30:465–493.
Ameli.fr, “Bilan médical de l’infertilité ou stérilité - PMA”,
FertilyIQ MOOC Egg Freezing, 2020
https://www.fertilityiq.com/egg-freezing/
Centre intercommunal de Créteil, “Fertilité check-up© : Bilan de fertilité”
https://www.chicreteil.fr/patients-et-visiteurs/nos-services-173.html
M.L. López-Teijón Pérez, M. Junyent, B. Fernández Forner, M. José Miravitlles, A. García-Faura Cirera y F. Echevarne, "Clinical use of antimüllerian hormone to predict ovarian age in Spain." Prog Obstet Ginecol. 2017;60(4):341-346
https://institutomarques.com/wp-content/uploads/2019/05/AMH_RevistaSEGO_Progresos2017.pdf
Le Figaro, “Les femmes peuvent désormais faire tester leur fertilité”, Damien Mascret, 2018.
https://sante.lefigaro.fr/article/un-check-up-fertilite-pour-les-femmes/
